vendredi 9 février 2007

Quels défis pour le monde ?

De retour de la conférence donnée par Patrick Viveret au centre national des Scouts et Guides de France rue de la Glacière à Paris, et organisée par le CCFD.
Un débat passionnant et animé, qui suscite beaucoup de questionnements. Je vais tenter des résumer ici le propos du philosophe, altermondialiste, qui est également conseiller référendaire à la Cour des Comptes.
Partons d'un constat : les deux défis majeurs auxquels l'humanité a a faire face dans les années à venir sont liés à l'écologie, mais aussi aux rapports des humains entre eux. Le dérèglement climatique, comme phénomène naturel amplifié par des causes anthropologiques, en est la première manifestation. La combination de la misère, de l'écart croissant entre les classes moyennes et les classes les plus défavorisées, et de l'humiliation provoquée par la dépendance provoque un risque de multiplication des crises systémiques, amplifiant les risques de guerres, et concrètement, de prolifération des armes de destruction massives, d'augmentation des risques financiers (risques de krachs, dû notamment au fait que l'économie financière se distend de plus en plus de l'économie réelle), est le deuxième enjeu ; globalement, c'est la question de la gestion des relations entre les hommes, alors que les modèles structurants qui existaient auparavant (un monde binaire, une société structurée par le judéo-christianisme etc...) sont déclinant, qui amène à devoir repenser ces relations.
Au fond, la simple survie ne suffisant pas à l'homme, cela contrebalance une vision catastrophiste trop souvent relayée de l'avenir de l'humanité. Puisque nous sommes des êtres pensants, et non simplement des minéraux, puisque nous avons franchi cette troisième grande révolution dans l'évolution des espèces - après celle de notre naissance en tant qu'humanité, après celle de la découverte de notre capacité de reproduction et de perpétuation de l'espèce - qui est la révolution de la conscience, nous sommes donc en mesure de prendre conscience des défis auxquels nous avons à faire face. Alors que les humains sont des êtres faibles psychiquement, ils sont confrontés avec le fait de devoir assumer et accepter pleinement l'émergence du vivant, de la sexualité et de la conscience; et de ce fait l'idéalisme comme le matérialisme ne peuvent répondre aux défis de l'humanité, puisque, chacun à leur extrême, ils ne prennent pas en compte la complexité de l'humain.
Devant cet état de fait, il convient, pour ne pas donner dans le déclinisme et le catastrophisme, de trouver des stratégies positives pour sortir des temps modernes - pour que nous cessions d'être des homo demens et devenions véritablement des homo sapiens sapiens. Puisque nous sommes à la fin d'un cycle, que Max Weber avait résumé en affirmant, au début du vingtième siècle que "nous sommes passés du salut de l'économie au salut par l'économie", puisque nous sommes passé à un stade supérieur de l'économie libéralisée ou nous ne sommes plus dans des stratégies de concurrence mais de guerre économique, avec toutes les conséquences sociales que cela peut avoir (repli des nouvelles classes moyennes sur elles-mêmes pour éviter que les autres les rattrapent, montée des revendications identitaires qui avaient été exclues par l'économie de marché...), il nous faut trouver de nouveaux moyens de rétablir la triple rupture engendrée par la convergence de ces deux phénomènes - qui en fait n'en sont qu'un :
- rupture de communication avec la Nature, chosifiée, objectivée.
- rupture de communication avec autrui, qui est en permanence un rival potentiel, menaçant
- rupture avec notre propre vie intérieure, qui nous amène à rentrer en guerre avec nous mêmes.
Il apparaît dès lors impossible de réaliser le degré de conversion nécessaire pour répondre aux défis (écologiques, économiques, sociaux...), si l'on aboutit pas à cette triple prise de conscience. En somme, pour affronter les défis futurs, il faut que la perspective du mieux soit possible; elle semble passer par la construction d'une intelligence émotionnelle collective pour l'humanité.

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